Mamie va encore râler.
J’ai mis du foin partout, de la cave au balcon, le royaume de Balthazar lorsque nous passons le week-end chez elle.
Balthazar, c’est le nom d’un Roi mage et d’un cadeau royal, celui de mon papi: un lapin nain tête de lion, avec une crinière!
J’ai intérêt à vite balayer, car Mamie, elle l’aime bien, mon lapin, mais à condition de pouvoir l’oublier.
Comme Papi.
Enfin…
André!
Euh…
je ne sais plus vraiment comment l’appeler.
– Bon allez, on n’en parle plus!
C’est ce que Mamie dit toujours après avoir parlé de lui, justement.
André, c’était le mari de Mamie jusqu’à leur divorce, il y a deux ans.
Avant, même s’il n’est pas le papa de Maman, pour moi, c’était «Papi», «Papi chéri» ou «Papinounet adoré».
Il me disait qu’on était fait du même bois, tous les deux.
Celui des arbres de montagne, qui ne poussent bien qu’à l’extérieur.
Mamie, elle, c’est une orchidée.
Une fleur délicate et précieuse qui déteste les courants d’air.
Je n’osais plus parler d’André.
Mamie le faisait suffisamment, en s’énervant beaucoup et en racontant des choses que je n’aimais pas entendre.
à propos d’argent, d’égoïsme et de «il va voir ce qu’il va voir».
– Ces histoires ne sont pas pour toi, Rose.
C’est ce que m’avait dit Papa, une fois où Mamie pleurait dans notre salon.
Et il m’avait emmenée à la piscine.