Extrait
Un sac comme une boîte aux lettres
En règle générale, Ginny Blackstone essayait de passer inaperçue – chose quasiment impossible avec un sac violet et vert de quinze kilos (elle l’avait pesé) sur le dos.
Elle préférait ne pas penser au nombre de personnes dans lesquelles elle était rentrée depuis qu’elle le portait.
Ce n’était pas l’idéal pour se balader à New York.
Ni où que ce soit, d’ailleurs…
Mais particulièrement dans l’East Village par un bel après-midi de juin.
Sans compter qu’une bonne partie de ses cheveux était coincée sous la sangle de l’épaule droite, ce qui lui faisait pencher la tête sur le côté.
Voilà qui n’arrangeait pas les choses.
Cela faisait deux ans que Ginny n’était pas venue à l’appartement de La Quatrième Nouille.
(Ou «cet endroit au-dessus de l’usine à graisse», comme disaient les parents de Jane.
Ils n’avaient pas tout à fait tort.
Le restaurant était très gras.
Mais gras dans le bon sens du terme, et on y servait les meilleurs raviolis chinois au monde.)
Ses souvenirs du lieu s’étaient un peu estompés ces deux dernières années, mais le nom du restaurant, La Quatrième Nouille, contenait aussi son adresse.
Il se trouvait dans la quatrième rue, avenue A.
Les avenues désignées par des lettres de l’alphabet se situent à l’est des avenues portant des numéros et s’enfoncent dans le quartier hyper branché de l’East Village, où les gens fument, s’habillent en latex et ne se trimballent jamais avec un sac à dos de la taille d’une boîte aux lettres.
Maintenant elle le voyait : le petit restaurant sans prétention, à côté des Tarots Pavlova (dont l’enseigne aux néons violets ne cessait de bourdonner), juste en face de la pizzeria au mur recouvert d’une immense peinture représentant un rat.